Le plus difficile est de commencer.
Eh oui, car si l’on s’en réfère à l’engagement intérieur, on mesure la distance, on évalue le trajet futur et cela peut franchement calmer les ardeurs. Le frein est bien évidement la peur de ne parvenir à garder le rythme.
Fiodor Dostoïevski, Virginia Woolf se doutaient-ils lorsqu’ils se mirent à écrire, du volume que produiraient leur œuvre ? Brassens mesurait-il qu’il ne lèguerait pas moins de 150 chansons ? Nabila qu’elle produirait 300 Millions de Tweet ? Mais je m’égare.
Je m’égare d’autant plus que je ne souhaite en aucun cas me comparer à eux, je ne prétends ni avoir leur talent, ni avoir le désir d’écrire des romans, des chansons, ni de toucher 2000 euros pour un Tweet promotionnel, non. Je souhaite par quelques modestes chroniques partager quelques instants vécus avec mes chères et mes chers hauts potentiels.
Alors, je me lance.
Pour cette première, je souhaiterais partager avec vous l’immense bonheur que peuvent nous apporter nos élèves. Le bonheur est d’autant plus grand que l’investissement bienveillance que nous avons placé sur eux a été conséquent.
Très dernièrement il m’a été donné de vivre un moment précieux.
Un jeune garçon à haut potentiel alors lycéen avait, il y a quelques années, manifesté de moultes manières son désintérêt pour l’école. Je respecterai l’anonymat et vais le nommer Flavien.
Il était l’illustration parfaite de l’élève retord. Remise en question systématique des contraintes, provocations plus ou moins réussies, surtout envers les enseignants évalués par lui-même comme incompétents, passages fréquents dans le bureau du responsable du lycée pour réexaminer encore et encore la pertinence de la poursuite de ses études.
En même temps, Flavien était un élève curieux, actif en classe, participant de manière pertinente et montrant son esprit critique dés qu’il en avait l’occasion. La régularité dans le travail était compliquée et il a fallu un soutien collectif, une attention de tous les instants pour l’amener à conclure avec succès ses années lycée.
Et puis comme beaucoup d’élèves, Flavien est parti ensuite faire des études supérieures, et j’ai perdu sa trace.
Tout dernièrement cependant, alors que j’arrivais vers la sortie du lycée, je vois une grande silhouette et j’entends une voix que je reconnais qui dit : « ah, voilà quelqu’un que je voulais voir ! » Quelques minutes me furent nécessaires pour le reconnaître vraiment car son passage dans le lycée datait quand même de plusieurs années.
Flavien, tout sourire, m’a alors expliqué son parcours, formation en France puis au Canada. Puis, soudainement, ouvrant rapidement sa pochette, il m’a montré avec une fierté bien compréhensible, son diplôme obtenu. Il me l’a présenté en me remerciant vivement, parce que, selon lui, j’y étais pour quelque chose ! J’ai su ensuite qu’il avait eu l’élégance de le faire avec tous les acteurs-clefs de sa scolarité, ceux qui ont su l’aider à traverser ses années difficiles.
Quel bonheur ! Bonheur de mesurer le chemin parcouru ! Eberlué qu’il fût lui-même de devoir se muer en enseignant pendant une partie de son parcours !!! « Vous vous rendez compte, moi, prof ! » me disait-il !
Je suis certaine qu’il a dû transmettre à son public un savoir de manière passionnante.
Je remercie encore Flavien d’être venu jusqu’à nous, équipe d’enseignants qui l’a aidé, accompagné et soutenu quand il était en difficulté.
Il m’a donné le sourire pour tout le reste de la journée, de la semaine … et peut-être davantage encore.
Nathalie Chardon