Réenchanter l’école
Dans son livre « Petite Poucette » Michel Serres montre combien nos sociétés ont changé avec le développement de la technologie numérique. Cette révolution conduit à des modifications essentielles et les jeunes générations se trouvent face à un défi de taille. Celui de tout réinventer.
L’école et la pédagogie ont-elles suivi ? hum… faut-il que je répète la question ???
Les apprentissages faits à l’école ne représentent plus que 18% des connaissances apportées aux élèves sur un sujet. Le pourcentage restant, soit 82%, est nourri par Wikipédia, les réseaux sociaux, les vidéos … c’est-à-dire par l’internet et non par l’école. La transmission du savoir n’est plus verticale. L’accès à l’information est devenu majoritairement horizontal.
Cela concerne tous les élèves, mais pour les élèves à haut potentiel, c’est une arme à double tranchant.
Les opportunités, les possibles qu’offrent le net nourrissent leurs curiosités et leur soif d’apprendre. Apprendre ce que l’on veut, au rythme que l’on veut… avec en plus, le système des liens hypertextes reproduisant l’arborescence typique du mode de fonctionnement du haut potentiel. Telle idée me suggère cette question, et voilà tout naturellement le lien qui me permet d’ouvrir l’approfondissement dont je rêvais… Même l’usage des cookies qui amène à d’autres articles ou vidéos pouvant potentiellement plaire, parce qu’il a consulté telle ou telle page, répond à la curiosité du HP. Il y a 40 ans, le jeune HP pouvait feuilleter longuement l’encyclopédie s’arrêtant à l’envi sur telle ou telle illustration. Mais même s’il s’agissait d’une encyclopédie en dix volumes, celle-ci était comme limitée… alors que la toile est infinie, enrichie en permanence, source inépuisable de … tout. C’est le top pour le haut potentiel.
L’école face à cela a-t-elle modifié son approche pédagogique ? En France, le retard est énorme à la hauteur de l’ennui qu’il suscite.
La crise du covid a montré aux élèves HP que finalement l’école à la maison était possible. Combien m’ont témoigné que ce fut une expérience géniale, que ce sont les meilleurs mois qu’ils ont récemment vécus. Être à la maison, avancer à son rythme, garder de grands moments où ils pouvaient jouer ou faire toute autre activité de loisirs… et ne pas avoir le stress de l’évaluation … qui dit mieux ? Certes pour certains les interactions sociales ont manqué ; mais beaucoup témoignent que grâce aux réseaux, ils échangeaient avec leurs camarades. Il y en a aussi qui rapportent qu’ils avaient enfin la paix. Plus besoin d’avoir peur, plus besoin d’être stressé par tel ou tel autre élève, fini le harcèlement sur la cour ou lors des pauses.
Le retour en présentiel a alors été compliqué.
Retour à un rythme qui n’est pas le sien. Retour aux échanges avec ses pairs, ceux-ci n’étant pas toujours dans la bienveillance. Retour devant un enseignant qui relève (pour certains, je sais, pas tous !) plus du hussard noir de la République que du Youtubeur branché, celui-là même qu’il suit avec avidité grâce aux écrans.
C’est difficile et douloureux.
Si l’on rajoute à cela, l’ambiance anxiogène liée à une pandémie qui n’en finit pas. Et dernière cerise sur le gâteau, une guerre qui vient de commencer à l’Est de l’Europe, on peut peut-être apporter un élément d’explications à la vague de ruptures scolaires enregistrées depuis septembre. Certes, en septembre, la guerre n’était pas engagée, mais les tensions étaient déjà extrêmes.
Cela fait beaucoup, en tout cas beaucoup trop pour le cerveau et les émotions d’un haut potentiel. L’école devient donc un enfer. Y rester toute une journée devient impossible. L’ennui +++, les inquiétudes +++, les pensées parasites +++ Le cocktail est délétère et s’il advient alors un élément traumatisant ou un changement brutal, surgit alors la rupture scolaire ou le refus scolaire anxieux ou la phobie scolaire. Au choix … c’est la même chose.
Sauf que l’idée de rupture scolaire est à mes yeux plus adéquate car cette réaction arrive sans crier gare auprès d’élèves qui, au demeurant, adorent apprendre et ne comprennent pas du tout ce qui leur tombe dessus.
L’école est le catalyseur d’un mal diffus et profond à la fois.
Le nombre d’élèves que j’ai vu craquer cette année depuis septembre est effrayant, il y en a de plus en plus et, de plus en plus jeunes.
Pourtant certains enseignants adoptent des méthodes pédagogiques nouvelles car conscients de la situation, ils veulent faire bouger le mammouth. Mais ce dernier cille plutôt qu’il ne s’agite. En effet, la pandémie a gravement impacté les conditions de travail des enseignants en créant beaucoup de stress, des tâches supplémentaires et un travail toujours plus lourd.
Alors, suivre des formations pour mieux accompagner les élèves à haut potentiel est devenu… comment dire ? c’est quoi le contraire de priorité … ?
Nathalie C