Bienveillance blues
Même si j’aime profondément mon métier d’enseignante, je me trouve devant une situation inédite. Mes chers élèves ont le don de trouver de nouveaux défis. Et celui devant lequel je me trouve m’anéantit.
J’ai relayé moultes fois des articles sur le harcèlement scolaire. J’y ai été confrontée de nombreuses fois, et pourtant…
Pourtant, cette semaine, j’ai reçu le mail d’une élève de terminale m’expliquant qu’on lui avait dérobé son cahier d’histoire sur le temps de midi, le jour précèdent un contrôle annoncé ; l’élève me précisait que c’était la deuxième fois que cette mésaventure lui arrivait car on lui avait dérobé son cours de spé Géopo la veille du bac blanc. Alors, ce fut pour ma part, tout d‘abord, la sidération.
Comment ? Quoi ? la prise de notes d’une bonne élève est subtilisée sans son accord la veille d’examens, et non pas une mais deux fois de suite …. Mais je dois rêver, c’est un cauchemar. Ce ne peut être qu’un ou plusieurs élèves que j’ai en cours qui ont fait cela, à une de leur camarade de classe, camarade qui est toujours d’une gentillesse extrême quand il faut prendre le travail pour les absents par exemple… J’ai dû déjà partir sur Mars, je vais me réveiller, ce n’est pas possible.
Et pourtant si… c’est tout nouveau ça vient de sortir. Nouvelle forme de harcèlement : je te pourris tes notes en t’empêchant de réviser sur tes cours, je te bloque ; mais comme tu es bonne élève tu as sûrement déjà commencé tes révisions, alors en te volant, je crée un choc psychique, je te détruis un peu et je te pousse à l’échec.
Après la sidération, la colère. Lorsque j’ai revu mes élèves j’ai exprimé mon mécontentement, expliquant, argumentant…puis j’ai invité le ou les élèves qui ont volé les cahiers, à les rendre. Espérant que, s’ils ont un minimum de conscience, ils puissent « corriger » ainsi les effets délétères de leur acte. Je leur ai même conseillé de les rendre discrètement, ne cherchons pas l’héroïsme. Juste la restitution, le retour à la case départ.
Pour l’instant, point de cahiers retrouvés.
Alors, après la colère, la tristesse.
J’enseigne à des élèves que j’aime beaucoup mais qui dans la situation actuelle me mettent au défi de rester neutre. Je sais qu’en face de moi se trouvent un ou plusieurs élèves malhonnêtes, élèves qui ont eu une attitude que je juge abjecte. Et je me dois de rester bienveillante.
Je n’ai pas le droit de faire payer au groupe les conséquences de ce qui s’est passé. Mais ma bienveillance naturelle en a pris un coup.
Je croise les doigts que les cahiers ressortent. Je vérifie 100 fois ma boîte mail pour espérer y lire que mon élève a retrouvé ses notes.
Je croise les doigts…
Nathalie C