La fin des illusions
L’envie me vient aujourd’hui d’écrire un billet sur les jeunes adultes à haut potentiel .En échangeant avec eux, je mesure combien, pour certains d’entre eux, la route vers la sérénité semble encore longue.
Lorsqu’ ils sont encore au collège, et pour les aider à tenir, certains psychologues les encouragent en disant « Patiente encore, le lycée n’est pas loin, cela va devenir plus facile pour toi » Et ils ont en partie raison. Au lycée, les attentes sont plus fines, la stimulation intellectuelle plus réelle et l’enfant HP s’y ennuie moins. Les autres élèves sont aussi moins virulents face à la différence et le HP peut se sentir enfin accepter par ses pairs.
Mais …l’ennuie peut encore être là. Malheureusement… et le changement récent de programme l’encourage. Dans la matière que j’enseigne (l’histoire-géographie) le nouveau programme rend plus difficile la possibilité de liens, de passerelles d’un thème à l’autre …alors le cours est plus linéaire et il faut apprendre…parfois par cœur …et cela, le HP n’aime pas. Mais bref, ceci est un autre sujet.
J’en reviens à l’élève HP qui croyait atteindre le Saint Graal et qui déchante au lycée ; mais il tient le coup. Vaille que vaille…pour peu qu’on lui indique une orientation post-bac qui le stimule, il tient et réussit.
Commence alors les études post –bac. Et beaucoup d’élèves que je connais veulent aller en faculté de médecine. Dans le lycée où j’enseigne, il peut y avoir 10 élèves par classe de terminales S qui souhaitent y aller. Pas forcément tous à haut potentiel mais leur nombre est très conséquent.
Ceux qui y sont allés et avec qui j’ai échangé, me parlent certes de la quantité de travail, et ce n’est pas ce qui les effraie, mais aussi d’un aspect purement « bourrage de crâne » avec des listes de termes à mémoriser. Première désillusion, ce n’est pas passionnant mais indispensable. Alors les étudiants s’y soumettent. S’il faut en passer par là pour devenir médecin ou chirurgien, pour soigner et pour atteindre les objectifs, ils l’acceptent. Puis ils avancent dans leur cursus et découvrent le monde hospitalier.
Et là, c’est le choc.
Découverte d’un monde où les relations entre étudiants et personnels soignants ne sont pas toujours chaleureuses et amicales. Découverte de la réalité de la souffrance au quotidien. Découverte d’une gestion à l’économie et des conséquences de la restriction budgétaire.
Deuxième désillusion et certains arrêtent là.
Ce cortège de désillusions conduit alors à une sévère remise en question. L’idéalisation du projet professionnel est sérieusement mise à mal. La confiance en soi et en ses capacités aussi. Il faut alors trouver une autre orientation qui nourrisse à la fois le besoin d’idéal, la soif d’absolu et qui soit suffisamment stimulante intellectuellement pour que l’étudiant HP ne décroche pas. Parce que s’il y a décrochage scolaire lorsqu’un redoublement est proposé à un HP ou lorsque l’enseignement prodigué est trop facile, qu’il soit en CP ou en BTS le résultat est le même.
C’est le cercle vicieux de l’échec : manque d’intérêt donc ni travail ni motivation, donc pas de bons résultats et dégoût de l’école.
Il convient alors de vraiment se poser les bonnes questions avant de s’engager dans ses études post-bac. Certes, la réorientation fait partie du processus et cela aide à dédramatiser le cursus choisi. Mais attention pour les étudiants HP qui, ont encore plus que les autres, besoin de ne pas être déçus.
L’école, puis le collège puis le lycée…cela est déjà long. Très long. Si lorsqu’ils pensent être arrivés à enfin étudier dans leur domaine de prédilection, ils ont de trop fortes désillusions alors ils craquent.
Courage à eux et courage aux parents qui les accompagnent.
Confiance aussi en leurs capacités à rebondir !